L’article 23 c) de la Convention régissant l’Union Economique de l’Afrique Centrale consacre l’interdiction des aides. Cette interdiction est reprise également par le Règlement n°06/19‐UEAC‐639‐CM‐33 du 7 avril 2019 relatif à la concurrence qui prévoit à son article 78 que les aides publiques susceptibles de fausser la concurrence sont interdites et notamment lorsque celle-ci prennent la forme de subventions, d’exonérations d’impôts et de taxes, d’exonérations de taxes parafiscales, de bonifications d’intérêts, de garanties de prêt à des conditions particulièrement favorables, de fourniture de biens à des conditions préférentielles et la couverture de pertes d’exploitation.
Le règlement CEMAC 06/2019 précité précise toutefois que ne sont pas considérées comme des aides publiques, les mesures de compensation en faveur d’une entreprise chargée d’obligations de services publics, dès lors que :
- les obligations sont strictement définies ;
- la compensation préalablement définie est établie de façon objective et transparente sans octroi d’un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à ses concurrents ;
- la compensation ne peut dépasser ce qui est nécessaire au regard des recettes et du bénéfice raisonnable envisagés pour l’entreprise ;
- lorsque l’entreprise n’a pas été choisie après une procédure d’appel d’offre, la compensation est calculée sur la base d’une analyse des coûts, qu’une entreprise moyenne et bien gérée, a supporté pour satisfaire les exigences des obligations de services publics.
Bien qu’il existe des aides publiques susceptibles d’être compatibles avec le marché commun et ce après consultation du Conseil Communautaire de la Concurrence (CCC) (I), il n’en demeure pas moins que celle-ci fassent l’objet d’un contrôle strict de la part des autorités de la CEMAC chargées de la concurrence (II).
I. Les aides publiques susceptibles d’être compatibles avec le marché commun
L’article 81 du règlement CEMAC 06/2019 relatif à la concurrence précise les conditions de compatibilité des aides publiques. En effet, pour que les aides soient compatibles avec le Marché Commun, celles-ci doivent être :
- des aides catégorielles à caractère social, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des produits ;
- des aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres évènements imprévisibles et insurmontables par l’entreprise.
Ainsi, aux termes du Règlement précité, peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché Commun :
- les aides aux entreprises, et en particulier aux petites et moyennes entreprises, destinées à favoriser le développement économique de régions défavorisées ou souffrant d’un retard notoire dans leur développement économique ;
- les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt sous régional commun, ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un Etat membre ;
- les aides aux entreprises, et en particulier aux petites et moyennes entreprises, destinées à faciliter le développement de certaines activités quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ;
- les aides destinées à promouvoir la culture, la conservation du patrimoine et la protection de l’environnement quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la communauté dans une mesure contraire à l’intérêt commun.
II. Le contrôle des aides publiques par les autorités chargées de la concurrence
La Commission de la concurrence de la CEMAC est informée en temps utile de tous les projets tendant à instituer ou à modifier des aides et des régimes d’aides par une notification des Etats membres de la CEMAC. Lorsque la Commission doute de la compatibilité d’un projet avec le Marché Commun, elle ouvre sans délai une procédure. Ainsi, les personnes publiques ou privées intéressées, en particulier les concurrents des entreprises bénéficiaires d’une aide peuvent saisir la Commission sur le fondement du Règlement 06/19 pour contester la compatibilité d’une aide avec le Marché Commun.
Aussi, les articles 64 et suivants du Règlement N°000350 relatif à la procédure d’application des règles de la concurrence (CEMAC) du 25 septembre 2020 prévoit qu’aux fins d’examen des régimes d’aides publiques, les Etats membres de la CEMAC sont tenus de notifier à la Commission tout projet d’aides qui ne sont pas par nature compatibles avec le Marché Commun.
S’agissant des plaintes, précisons que celles-ci sont adressées en trois (3) exemplaires avec les pièces justificatives des allégations à la Commission qui en accuse réception sans délai aux expéditeurs et en informe l’Etat membre de l’ouverture d’une procédure.
Lorsque la Commission de la concurrence considère que sur la base des informations qui lui ont été transmises, il n’existe pas de motif suffisant pour donner suite à une plainte, elle en informe le plaignant et lui imparti un délai pour compléter le cas échéant sa plainte.
Dès l’instruction du dossier, la Commission peut recueillir tous les renseignements nécessaires auprès des autorités compétentes des Etats membres, des entreprises bénéficiaires de l’aide en cause ainsi qu’auprès de toutes autre personnes physique ou morales notamment auprès des concurrents de l’entreprise bénéficiaire. Elle peut également procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations.
En pratique, des agents dûment mandatés par la Commission sont investis de pouvoir d’actions et d’enquête. A la suite de toute inspection, un Procès-verbal est établi par les enquêteurs. Ce PV ainsi qu’une liste de tous les documents provisoirement retenus seront communiqués dans un délai maximum de sept (7) jours ouvrables aux parties ainsi qu’à l’Etat membre concerné (article 71 du Règlement CEMAC 000350).
Il convient de préciser que la Commission peut également demander au Conseil de la concurrence (CCC) d’effectuer des enquêtes et le saisir pour avis sur l’état de la concurrence dans le secteur d’activité de l’entreprise bénéficiaire de l’aide en cause et sur la compatibilité de cette aide avec les principes définis par le Règlement relatif à la Concurrence.
Par la suite la Commission dispose d’un délai pour rendre sa décision sur la compatibilité de l’aide publique dont elle est saisie. La procédure d’examen de l’aide est clôturée par une décision de la Commission, laquelle, soit :
- a) Constate que la mesure notifiée, le cas échéant, après modification de l’Etat membre, ne constitue pas une aide ;
- b) Constate que la mesure notifiée, le cas échéant, après modification de l’Etat membre, s’avère compatible avec le marché commun de la CEMAC ;
- c) Subordonne la décision favorable de compatibilité à des conditions et des obligations lui permettant de contrôler le respect des conditions ;
- d) Constate que l’aide notifiée est incompatible avec le Marché commun de la CEMAC et déclare l’impossibilité de la mettre en œuvre.
Ainsi, lorsque l’Etat membre retire sa notification, renonçant à sa mesure, la Commission clôture sa procédure par décision.
Toutefois, lorsqu’une aide a été mise en exécution sans autorisation préalable, la Commission, après avoir donné à l’Etat membre concerné la possibilité de présenter ses observations, peut prendre une décision enjoignant l’Etat membre de suspendre le versement de l’aide illégale jusqu’à ce qu’elle statue sur la compatibilité de l’aide avec le Marché Commun de la CEMAC. Si l’aide est déclarée incompatible avec le Marché Commun et néanmoins mise en œuvre, la Commission prend une décision enjoignant l’Etat membre de suspendre l’aide illégale et de récupérer sans délai tout ou partie de fonds versés, le cas échéant. En cas de non‐respect d’une injonction et toute autre décision de la Commission, la Cour de Justice Communautaire peut être saisie.